Biais cognitifs - La science et la méthode scientifique

  


La science, la méthode scientifique et les biais cognitifs

 

Depuis le début de la pandémie, débutée fin février 2020, beaucoup font un amalgame entre la politique et la science. Sans véritablement savoir, ni comprendre ce qu’est la science ni en quoi consiste la méthode scientifique. En vérité, la science n’est pas politique, mais la politique se sert de la science. Ça fait une grande différence. Et c’est logique, puisque la science est actuellement le meilleur moyen d’expliquer le réel.

Beaucoup ont oublié que la science nous a permis de découvrir que la Terre est ronde. Nous a permis de construire des voitures, des téléphones, des télévisions, des médicaments. C’est la science qui a permis de comprendre les maladies, leurs origines, mais aussi de bâtir des disciplines telles que la chirurgie cardiaque, l’ophtalmologie, la pédiatrie ou encore l’oncologie. C’est la science aussi, avec sa méthode, qui a permis à l'homme de se poser sur la lune, mais aussi l’exploration de l’univers. C’est la science, toujours la même science, qui a permis d’expliquer des phénomènes de mutations des virus.

Pourquoi la méthode scientifique est la méthode la plus fiable que nous ayons à ce jour ?

La science, en plus d’être rigoureuse, est fiable parce qu’elle produit des résultats et nous a permis les découvertes précédemment citées. Et bien d'autres encore. Jusqu’à aujourd’hui, aucune méthode ne s’est avérée plus fiable en théorie et en pratique. De plus, la science s’autocorrige constamment. C’est ce qui fait qu’elle est évolutive. C’est aussi ce qui la différencie d’un dogme.

La méthode scientifique est fiable parce qu’elle élimine, ou limite au maximum, les biais humains, c’est-à-dire les erreurs que nous pouvons produire sans même nous en rendre compte. C’est également à cause de nos biais cognitifs, qu’à première vue, la science (ou plus spécifiquement, la méthode scientifique) peut nous paraître si contre-intuitive. L’intuition étant une capacité biaisée par nature, ce que la méthode scientifique expose au grand jour, sonne parfois très faux à nos oreilles. C’est vrai, elle va rarement dans le sens de nos intuitions. 

Le cerveau humain est rempli de raccourcis, d’erreurs de jugements, appelés biais cognitifs. Tous les cerveaux en sont garnis, sans aucune exception. Ces biais se comptent en centaines – 350 à peu près. Les plus connus sont : le besoin de cohérence, le biais de confirmation, l’effet Dunning-Kruger, l’appel à la nature, les explications monocausales, l’erreur fondamentale d’attribution, etc.

Le biais de cohérence est notre tendance naturelle à être cohérent avec nous-même. Si nous croyons que la terre est plate et que des centaines de preuves crédibles tendent à nous prouver que nous avons tort, nous aurons vite fait de les ignorer, afin de ne pas entrer en dissonance cognitive. La dissonance cognitive est un mal-être psychique que nous pouvons ressentir (par exemple) lorsque nous nous retrouvons face à une idée qui est contraire à la nôtre.

Le biais de confirmation illustre assez bien le biais de cohérence. Il en est la suite logique, d’une certaine manière. Si nous croyons que les vaccins causent l’autisme, que mille études nous prouvent que c’est faux, mais qu’une seule étude, sortie d’on ne sait où, cause effectivement l’autisme, nous allons confirmer notre croyance grâce à elle.

L’effet Dunning-Kruger, est un biais qui consiste à nous donner l’illusion de nous croire plus compétents qu’on ne l’est dans un domaine qui n’est pas le nôtre. Voyez comment des millions de personnes en arrivent à juger de l’efficacité du vaccin contre la Covid-19, sans rien y connaître en vaccinologie. C’est d’actualité. C’est aussi ce qui pousse certains professionnels de la santé (cependant compétents dans leur domaine respectif) à se croire compétents dans des domaines qui dépassent pourtant clairement leur niveau de compétences. Ces personnes pourront par exemple, dans leurs discours et par leurs actes, juger de la fiabilité des vaccins ARN, sans toutefois disposer des éléments dont disposent les vaccinologues chargés de concevoir ce type de vaccins. S’ils manquent d’éléments, c’est parce qu’ils n’ont pas accès à cette discipline. Mais n’ayant pas accès à cette discipline, ils ignorent qu’ils ne savent pas. Et de fait, ils croient savoir. Ils ignorent ignorer, pourrait-on dire. Vous me suivez ?

Analysons le truc.

Est-il plus prudent d’amener notre nouveau-né, malade et fiévreux, chez un pédiatre ou chez un dentiste ? La prudence veut que nous l’amenions chez un pédiatre.

Est-il plus prudent de faire réparer notre voiture par un mécanicien ou un boulanger ? Je connais votre réponse.

Mais alors comment expliquer que des centaines de milliers de personnes choisissent d’accorder leur confiance à un anesthésiste s’agissant de l’efficacité et de la pertinence d’un nouveau vaccin ? Et comment expliquer que d’autres centaines de milliers de personnes préfèrent accorder une confiance aveugle en un personnage qui préconise de consommer son urine pour se protéger de la Covid ? Est-ce prudent ? Non ! Par contre, c’est rassurant. Parce que ces personnages arrivent avec des solutions toutes prêtes. L’urine, l’Ivermectine, la Chloroquine, etc.

Ces personnages ont généralement des discours superflus mais compréhensifs. Pour notre cerveau et notre système de survie, ces personnages apportent des solutions et des explications que nous comprenons. Une fois encore, c’est parce que nous manquons de compétences en virologie qu’il nous est plus aisé et plus simple de penser que le virus s’est échappé d’un laboratoire chinois. Savez-vous pourquoi ? Nous sommes capables de nous représenter un virus échappé ou libéré d’un labo. Ce dont nous sommes moins capables, c’est de nous représenter la chaîne de mutation d’un virus. Cela nécessite des études approfondies qui nous surchargeraient cognitivement.

Attardons-nous encore un instant sur l’effet Dunning-Kruger, vraiment passionnant.

Avez-vous remarqué à quel point tout le monde se croit suffisamment compétent pour faire des statistiques ? Vous avez dû vous en rendre compte. Mais comment expliquez-vous que « statisticien » soit un métier à part entière ? Sommes-nous suffisamment compétents pour les remplacer, pour faire leur job ? Intéressons-nous aux statistiques, et nous nous rendrons vite compte (comme je m’en suis rendu compte) que nous disposons, tout au plus, de simples bases, et que ces bases demeurent très insuffisantes pour faire, ou même seulement interpréter des statistiques.

L’appel à la nature est le biais qui consiste à nous faire croire que ce qui est « naturel » est forcément plus bénéfique pour la santé que ce qui est chimique.

Le problème, c’est que c’est faux. La lave est naturelle, le venin de serpents l'est aussi, tout comme la grêle et les éclairs. Faire un appel à la nature est stupide, et c’est pourtant l’argument préféré de millions de personnes.

Les antibiotiques ne sont pas naturels, je vais attendre que son corps se batte seul. Je ne fais pas vacciner mon enfant, il pourra très bien survivre au tétanos, car son corps va se battre.

Sérieusement ? Vous savez ce qu’est le tétanos ? Vous pensez que votre enfant va en guérir ? Et s’il en guérit, vous savez dans quelles conditions, et avec quelles séquelles ?

Pour en revenir à l’appel à la nature, l’eau est naturelle. Pourtant, si vous en avalez trop en une fois, vous mourrez à coup sûr. Et pour ce qui est chimique, et bien... L’oxygène est chimique. L’eau est chimique. Tout est chimique. Donc, ça ne veut rien dire, tout simplement.

De plus, bien souvent, c’est une histoire de quantité. Il y a de l’aluminium dans les vaccins ? Les spécialistes ne le contestent pas. Ce qu’ils précisent néanmoins, c’est que tout est une histoire de quantité. Aucune étude – vraiment AUCUNE étude réalisée dans les règles de l’art, telle que la science le demande– ne prouve que cette quantité comporte le moindre danger.

Dernier exemple avec les explications monocausales. C’est un biais qui consiste à attribuer une explication unique à un événement qui résulte d’une multitude de causalités.

Aussi, il est aujourd’hui admis que notre cerveau s’attend à trouver une explication complexe derrière un événement qui sort de l’ordinaire. Nous en avons fait l’expérience avec l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Elle brûle (événement extraordinaire, très chargé émotionnellement), notre cerveau cherche une explication extraordinaire. Résultat : c’est un coup des juifs, des reptiliens, du nouvel-ordre mondial, etc. Toutes ces explications sont passées sur internet, et à la TV. Elles ont toutes trouvé leurs partisans. Ces personnes ont omis le fait qu’un incendie peut aussi se déclarer seul, ou des suites d’une erreur humaine.

Le biais de corrélation et de causalité. Là encore, notre cerveau est le principal coupable. Lorsque deux situations se déroulent simultanément ou à la suite l’une de l’autre, nous y voyons un lien de causalité.

Un exemple connu est celui-ci : Coluche fait des déclarations jugées dérangeantes pour le monde politique, et quelques jours après, il meurt dans un accident de moto. Résultat, Coluche a été éliminé par la CIA, par l’état, etc. Or, un accident de la route est possible qu’on ait ou non fait des déclarations dérangeantes. Après enquêtes, toutes les preuves vont de le sens d’un banal accident tragique. Mais certaines personnes, prises dans le piège de l’illusion de corrélations, crient au complot. De là, par biais de confirmation, elles parviennent à dégoter toutes sortes de pseudo-preuves qui, là encore, trouvent des milliers d’adeptes.

Attention, les complots existent, ils ont toujours existé. Je dis seulement que notre cerveau en voit aussi partout où il n’y en a pas.

On en arrive aux preuves.

Ce qui semble le plus difficile à croire – et ça l’est – c’est que toutes les preuves ne se valent pas. En science, et de manière générale, nous ne pouvons accorder autant de valeur à toutes les preuves, dans la mesure où l’explication de la réalité n’est pas une opinion. Que l’eau soit essentielle à notre survie n’est pas une opinion. C’est un fait.

Une rumeur est moins consistante qu’une étude scientifique publiée dans une grande revue. Un témoignage aussi. Une sagesse populaire est moins consistante que l’expertise d’un spécialiste. Un article scientifique isolé est moins valable qu’un consensus scientifique. Un consensus scientifique signifie que la majorité des études scientifiques sur un même thème vont toutes dans le même sens. Le consensus scientifique demeure jusqu’à ce que des chercheurs apportent un ou plusieurs faits qui rendent bancals ou démontent la théorie.

Dans l’idéal, nous devrions tous être prudents. Si un professeur réputé (mais critiqué sur sa rigueur méthodologique), ou une équipe de médecins et chercheurs présentent un résultat, et que des centaines de milliers d’autres, en usant des mêmes protocoles, avec en plus la rigueur exigée par la méthode scientifique, présentent des résultats différents et systématiquement négatifs, il devient prudent de se fier à la majorité, y compris si celle-ci nous est proposée par le monde politique.


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